Préservation du cheveu et de la peau des momies

Le cheveu est un matériau naturel présentant une organisation très complexe et qui ne peut être décrite qu’en s’intéressant à plusieurs échelles : la protéine principale, la kératine, est soit dans une matrice amorphe, soit organisée en assemblages supramoléculaires de taille croissante, d’une dimension allant du nanomètre (protéines sous forme d’hélice alpha) au micromètre (organisation issue de la structure cellulaire).

Cette organisation imbriquée et la présence de multiples ponts disulfures confèrent au cheveu sa résistance aux sollicitations chimique, physique ou mécanique ; elle est aussi à l’origine de sa préservation parfois exceptionnelle dans des sites archéologiques. Il en est de même pour tout un ensemble de tissus kératinisés qui regroupe également la laine, les ongles et la couche cornée de la peau). Réussir à comprendre l’évolution de ces matériaux d’origine biologique doit nous permettre de mieux décrypter les informations pouvant être fournies par les momies (préparation du corps, altération, étude de toxicologie, usage de produits cosmétiques, de tatouage, etc.).

L’imagerie moléculaire par ToF-SIMS permet de mieux caractériser la peau de diverses momies, notamment celle découverte au Nord du Chili, dans le cadre d’un programme ECOS-Sud et de la thèse de Sophie Cersoy, collaboration ICSN de Gif-sur-Yvette. Nous poursuivons également un projet pluridisciplinaire soutenu actuellement par le programme ANR Nanochéops qui vise à comprendre dans quelle mesure la matrice amorphe du cheveu peut être considérée comme un ensemble de nanoréacteurs.

Cette réflexion est issue d’une recherche antérieure sur les recettes de teinture de l’antiquité où nous avons montré qu’il était possible de former, dans la matrice amorphe du cheveu, des boites quantiques de sulfure de plomb pour le changer de couleur. La matrice amorphe permet plus largement la préparation de nanocristaux de sulfures métalliques, semi-conducteurs et auto organisés le long de l’axe de la fibre, dont on peut étudier les propriétés en réalisant différents traitements en milieu alcalin par des sels de plomb, cadmium ou mercure….

Comprendre ces phénomènes devrait permettre de mieux déterminer les raisons historiques d’un emploi prolongé pour la teinture des cheveux de techniques qualifiées aujourd’hui de nanotechnologies.