Fard rose de Wederath

Un pigment laqué rose de l’époque romaine

Parmi les autres couleurs […] il y a au premier rang le purpurissum. On le fabrique en imprégnant de teinture de la craie à polir l’argent en même temps que les étoffes à teindre en pourpre et la craie absorbe cette couleur plus vite que la laine. Le meilleur est celui qui le premier, dans le récipient bouillant s’est imbibé des ingrédients à l’état brut ; ensuite vient celui que l’on obtient en rajoutant de la craie dans le même bain, une fois le premier retiré, et à chaque opération de ce genre la qualité diminue, le liquide se diluant progressivement en proportion du nombre des bains.(Pline l’Ancien, HN, livre XXXV,26 et 27)

 

Un flacon en verre découvert dans le cimetière romain de Wederath (Allemagne) a livré des restes de fards roses très bien conservés. Les Romaines utilisaient ces produits pour se maquiller et de nombreux objets (pyxides, flacons, palettes … etc.) et plusieurs auteurs de l’époque en attestent.

Le rôle des teinturiers romains, en la matière, semble avoir été prépondérant à l’époque romaine : maitres dans l’extraction des colorants, ils tiraient profit de leur savoir-faire en revendant au prix fort des pigments laqués roses de très belle couleur pour les cosmétiques : une véritable économie voyait le jour.

Ci-dessus : protocole de synthèse du fard rose à partir d’alun et de molécules d’alizarine

Les textes expliquent notamment le détail de l’élaboration à partir de minéraux riches en aluminium et de colorants végétaux : il s’agissait en quelque sorte de teindre de la craie ou de l’alun à l’aide de colorants végétaux. On les nomme pigments laqués. Mais de quelles plantes s’agit-il précisément dans le cas de ces objets de toilette ? Comment obtenait-on ces couleurs qui ont si bien résisté au temps sans s’affadir ?

L’analyse chimique

Le développement de techniques analytiques nouvelles (MALDI-ToF, SERS, désorption par ionisation laser LDI-MS et spectrométrie de masse haute résolution LC/HRMS) mises en œuvre avec l’Institut de Chimie des Substances Naturelles du CNRS, à Gif-sur-Yvette et le Laboratoire de Dynamique, Interactions et Réactivité, à Thiais, permet, à partir de l’analyse d’un seul petit grain de quelques microns de diamètre, de révéler la présence de pigments laqués et la nature des molécules colorantes, le plus souvent des molécules anthraquinoniques apparentées à la garance déposé sur une charge minérale blanche riche en aluminium.
Références
Analysis of ancient Greco–Roman cosmetic materials using laser desorption ionization and electrospray ionization mass spectrometry, Anal. Bioanal. Chem.2008 ; 390(7):1873-9. voir l’article, DOI : 10.1007/s00216-008-1924-0

Micro-Raman spectroscopy (MRS) and surface-enhanced Raman scattering (SERS) on organic colourants in archaeological pigments, Journal of Raman Spectroscopy, 2008 ; 39(8) : 1001-6. lien vers la revue.

La vidéo de reconstituion

Equivalent moderne du fard rose de Wederath : préparation d’un pigment laqué à base de garance

Les racines de garance contiennent un colorant rouge que l’on extrait dans de l’eau chaude et alcaline. Avec de l’alun, on obtient un pigment rose qui était employé pour colorer les joues après l’application du fard blanc sur le visage.


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Scénario et chimie : Elsa Van Elslande

Photographie, montage et effets spéciaux : Rémi Brageu