Teinture du cheveu en noir

Equivalent moderne de la recette de Galien pour la teinture du cheveu en noir

Les Gréco-romains coloraient leurs cheveux ou teignaient la laine, en formant des nanocristaux de galène noire, au cœur de la fibre. Une nanotechnologie avant l’âge ? Une biominéralisation de synthèse ?

Une “alchimie” du plomb ?

Pendant des milliers d’années, les cosmétiques ont été fabriqués à partir de minéraux, de matières grasses et d’eau. Majoritairement naturels, leurs ingrédients étaient parfois synthétiques, issus d’une grande maîtrise de la chimie du plomb.

Des recherches menées antérieurement, sur les cosmétiques de l’Egypte ancienne, ont montré qu’il y a 4000 ans, des composés blancs avaient été synthétisés pour introduire un soin dans les fards à yeux. Il s’agissait déjà de composés de plomb, la phosgénite et la laurionite (cf. Making Make-up in Ancient Egypt, Nature, vol 397, 11 Feb. 1999). Les colorations au henné remontent à la nuit des temps mais, sans doute parce qu’il ne donnait pas entière satisfaction (gamme de couleurs limitée, faible ténacité…), les textes gréco-romains, mentionnent d’autres recettes à base de composés de plomb. Ces formules ont perduré jusqu’à la Renaissance : un mélange d’oxyde de plomb PbO avec de la chaux Ca(OH)2 et un peu d’eau pour former une pâte appliquée sur cheveux pour les colorer de façon permanente sans dégrader la fibre.

Décrypter une recette ancienne

Afin d’en vérifier les performances, les chercheurs ont repris la recette du célèbre médecin romain Claude Galien, qui préconisait des applications successives. Les résultats sur cheveux naturels blonds à 6 h et à 72 h montrent un noircissement progressif des cheveux. Que s’est-il passé ? En général, un cheveu tient sa couleur de ses pigments de mélanine d’environ 300 nm. En fait, ici, on assiste à la formation de cristaux de galène (PbS) : les ions Pb viennent de la préparation et les ions S ont été libérés in situ par la matrice capillaire riche en soufre. La taille des cristaux est elle, imposée par les espaces interfibrillaires. Les structures hélicoïdales de la kératine du cheveu ne sont pas dégradées. Les connaissances sur la structure intime du cheveu et tout un arsenal de méthodes d’analyse et d’imagerie (microscopie optique, confocale, électronique à transmission haute résolution fluorescence X, microdiffraction de rayons X) ont permis d’interpréter les résultats. Il ne fait aucun doute que la coloration est due à la formation de nanocristaux de galène PbS de 5 nm dans la cuticule et dans le cortex, entre les macrofibrilles et à l’intérieur de celles-ci. Le recours aux nanotechnologies est sans doute fortuit et ignoré par les auteurs de l’époque mais la biominéralisation devait être empiriquement connue dans la teinture textile. Les années ont eu raison du plomb en cosmétique mais les nanotechnologies sont toujours d’actualité. Cette étude a été menée en collabortion entre des chercheurs du LC2RMF-CNRS, de L’Oréal, de l’Argonne National Laboratory et de l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales).

Référence

Early use of PbS Nanotechnology for an Ancient Hair Dyeing Formula, Nanoletters, 2006, 6 (10), pp 2215–2219. DOI : 10.1021/nl061493u

La vidéo

Equivalent moderne de la recette de Galien pour la teinture du cheveu en noir Galien nous explique une pratique qui, bien que dangereuse, est employée pour se teinter les cheveux en noir. Après l’application d’un mélange d’oxyde de plomb et de chaux, le cheveu noircit grâce à la formation de cristaux de galène. Cette teinture est alors définitive.

Scénario : Elsa Van Elslande ;

Chimie : Marie Radepont

Photographie, montage et effets spéciaux : Rémi Brageu