Les variations de l’intensité géomagnétique en France depuis 1500 ans révélées par l’étude archéomagnétique de productions céramiques anciennes

Céramiques du haut Moyen Âge produites à Saran et trouvées en comblement d’un four de potier. Tous les fragments étudiés ont été analysés sur le magnétomètre Triaxe développé à l’IPGP qui présente l’originalité de permettre la mesure de l’aimantation thermorémanente d'un échantillon directement à hautes températures. © S. Jesset.

Le site de l’INSU au CNRS annonce la publication d’un article :

A. Genevey, Y. Gallet, S. Jesset, E. Thébault, J. Bouillon, A. Lefèvre, M. Le Goff. (2016), New archeointensity data from French Early Medieval pottery production (6th–10th century AD). Tracing 1500 years of geomagnetic field intensity variations in Western Europe, Phys. Earth Planet. Int. 257, 205–217.

http://dx.doi.org/10.1016/j.pepi.2016.06.001 

 

L’archéomagnétisme est une discipline qui connaît depuis une quinzaine d’années un fort regain d’intérêt. La raison en est que les données archéomagnétiques offrent une source unique d’informations sur le comportement du champ géomagnétique à des échelles de temps allant de quelques dizaines d’années à plusieurs millénaires. De fait, l’histoire des variations du champ magnétique terrestre au travers des derniers millénaires s’écrit en grande partie grâce à l’acquisition de données archéomagnétiques obtenues sur des objets archéologiques en argile cuite (briques, poteries ou restes de fours). Les études portant sur les variations récentes de l’intensité du champ géomagnétique en France sont restées longtemps marginales, laissant ainsi des pans entiers de notre « histoire géomagnétique » quasiment vide de données. C’était le cas jusqu’à présent pour la période du haut Moyen Âge (fin du 5ème-10ème siècle après J.-C.). Ce manque de données vient d’être en grande partie comblé par une équipe de géophysiciens des laboratoires mentionnés plus haut, travaillant en étroite collaboration avec des archéologues et historiens du Service Archéologique Municipal d’Orléans, de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, du laboratoire Archéologie, Terre, Histoire, Sociétés (ARTeHIS : CNRS / Ministère de la Culture et de la Communication / Université de Bourgogne) et de l’association Jeunesse Préhistorique et Géologique de France. 

Pour obtenir ces nouvelles données, ces chercheurs ont analysé un grand nombre de fragments de poteries bien datés. Il s’agit ici plus particulièrement de ratés de cuisson associés à des ateliers de céramiques mis au jour à Vanves, près de Paris, mais aussi à Saran dans l’Orléanais où l’importance de l’activité potière se révèle depuis plus de 40 ans grâce aux fouilles archéologiques. Les nouveaux résultats, combinés aux données précédemment acquises par cette même équipe sur des productions céramiques plus récentes, permettent aujourd’hui de proposer une description fine et cohérente des variations de l’intensité géomagnétique en France et plus généralement en Europe de l’Ouest au travers des derniers 1500 ans. 

Les données obtenues par cette équipe sont utilisées pour calculer une courbe de référence sous la forme de fonctions de densité de probabilités, indiquées ici par une échelle de gris. La courbe rose indique l’évolution des maxima de probabilité. Les efforts de cette équipe se combinent à ceux développés par d’autres équipes de recherche pour mieux décrire les variations d’intensité en Europe de l’Ouest pour les derniers millénaires. 

Cette courbe souligne la variabilité constante du champ magnétique à une échelle régionale. Les intensités géomagnétiques ont ainsi diminué de près de 40% au cours du dernier millénaire en Europe de l’Ouest avec parfois des taux de variations de l’ordre de 0.1 μT par an, comme par exemple au 10ème siècle, soit une valeur proche du maximum observé pour le champ magnétique très récent. Mais cette courbe révèle surtout une intrigante récurrence des pics d’intensité qui semblent se produire tous les 250 ans. Une série de cinq pics a ainsi été détectée à la transition entre le 6ème et le 7ème siècle, vers le milieu du 9ème siècle, durant le 12ème siècle, vers la seconde moitié du 14ème siècle et enfin vers 1600. Cette régularité apparente, tout à fait inattendue et jamais observée jusqu’à présent, pourrait refléter une nouvelle caractéristique de la variation séculaire du champ géomagnétique au moins en Europe de l’Ouest. Les études archéomagnétiques vont être poursuivies pour en apprendre davantage.